Melvin H. Williams, Ph.D.
SPORTS SCIENCE EXCHANGE
EFFETS DE L'EXERCICE SUR LA SANTÉ DES ENFANTS
SSE n° 43, volume 4 (1993), numéro 43
Melvin H. Williams, Ph. D.
Directeur, Human Performance Laboratory
Université Old Dominion
Norfolk, VA
Membre du Conseil consultatif en matière d'éducation
Gatorade Sports Science Institute
Points principaux
1. Il est important, pour la croissance et le bon développement des enfants, qu'ils fassent suffisamment d'exercice (ni trop peu, ni trop).
2. Beaucoup d'enfants et d'adolescents obèses ont des taux de lipides sanguins élevés ou présentent d'autres facteurs de risque de maladies cardiovasculaires qu'un programme d'exercice adapté à leurs besoins pourrait améliorer. Ces enfants devraient être identifiés tôt afin de mettre en place des programmes d'éducation et d'intervention appropriés; les écoles publiques et privées sont de bons endroits pour inciter les enfants à adopter un mode de vie santé.
3. Ne pas pratiquer de sport est sans risque, mais les blessures associées aux sports peuvent être minimisées avec une évaluation de la condition physique préalable à la pratique sportive, une bonne supervision, le respect de règlements et un équipement adéquat.
4. Un enfant qui pratique un sport où le poids a son importance, comme la gymnastique, peut être sujet à des troubles alimentaires et à leurs conséquences, comme une perte prématurée de la masse osseuse.
INTRODUCTION
Du point de vue de la santé publique, dans les sociétés industrialisées, faire régulièrement de l'exercice peut être primordial pour prévenir plusieurs des maladies dégénératives les plus fréquentes. Si la plupart de ces maladies, comme la maladie coronarienne, se manifestent à l'âge adulte, elles peuvent tout de même trouver leur origine dans des comportements malsains adoptés dès l'enfance. Dans Healthy Children 2000, le ministère américain de la santé et des services sociaux (1992) a remarqué que l'enfance est une période cruciale pour adopter de saines habitudes et de bons comportements en matière d'usage du tabac, de régime alimentaire, d'activité physique et d'autres comportements liés à la santé qui resteront les mêmes à l'âge adulte.
Pour le développement optimal et la bonne de santé des enfants, il semble bien important que les enfants fassent suffisamment d'exercice. Trop ou trop peu d'exercice peut avoir des effets indésirables (McKeag, 1991). Le présent article donne un aperçu des préoccupations en matière d'exercice physique émise par des professionnels de la santé spécialisés en pédiatrie.
LES ENFANTS, L'EXERCICE ET LES MALADIES CHRONIQUES
Selon la croyance populaire, les jeunes nord-américains ne seraient ni en forme, ni actifs. Récemment, cette croyance a cependant été remise en cause et a fait l'objet de nombreux débats. Selon Corbin et Pangrazi (1992), l'évaluation de la condition physique des enfants selon des critères standards normatifs s'est soldée par un taux d'échecs trop élevé; une fois que les critères d'évaluation ont été remaniés, ce taux d'échec a toutefois nettement diminué. Les nouveaux critères de santé se fondent sur des paramètres, comme la capacité aérobie et la graisse corporelle, qui sont censés apporter des bienfaits particuliers ou réduire certains risques pour la santé. Les preuves étayant les nouveaux critères de santé pour les enfants ont été mises en doute (Updyke, 1992) mais, tout comme Corbin et Pangrazi, Blair (1992) est d'avis que les nouvelles normes relatives à la capacité aérobie et à l'obésité sont à tout le moins pertinentes et sensées.
En tenant pour acquis que les enfants devraient dépenser au moins 3 kcal/kg de masse corporelle par jour en faisant de l'activité physique, Blair (1989) a établi qu'environ 90 % des enfants américains peuvent se considérer comme étant physiquement actifs. Il n'en reste pas moins que Blair (1989, 1992), tout comme Corbin et Pangrazi (1992), admettent qu'il se pourrait que jusqu'à 8 à 9 millions d'enfants d'âge scolaire risquent de contracter une maladie dégénérative en raison de leur mauvaise condition physique.
Effets de l'exercice sur les facteurs de risque de coronaropathie chez les enfants
Environ un enfant nord-américain sur deux mourra éventuellement d'une coronaropathie. Beaucoup d'enfants, même de 5 ou 6 ans, présentent plusieurs facteurs de risque de coronaropathie, les plus courants étant l'obésité, l'hypertension artérielle et des taux élevés de cholestérol sérique (Chandra, 1992). L'obésité peut être un important facteur de risque, car elle est associée à l'hypertension et à un taux de cholestérol élevé (Lohman, 1992). Même si l'obésité des adolescents a certainement des répercussions négatives sur leur santé à long terme, elle leur impose aussi un fardeau psychologique négatif inhérent à la stigmatisation sociale dont ils font l'objet (Williams, 1986).
L'étiologie de l'obésité chez les enfants et les adolescents reste incertaine (Williams, 1986), mais les experts en croissance et en développement chez l'humain ont établi que l'inactivité physique est un important facteur de risque (Malina, 1989). Même si la restriction calorique est un élément primordial de la prévention et du traitement de l'obésité, ainsi que des facteurs de risque de coronaropathie qui y sont associés, elle peut nuire à la croissance et au développement des enfants (Rowland, 1990). Par conséquent, pour prévenir et contrôler l'obésité, augmenter la dépense calorique en faisant régulièrement de l'exercice peut s'avérer encore plus important pour les enfants que pour les adultes. De plus, des programmes d'exercice bien adaptés peuvent diminuer la pression artérielle et les taux de lipides sériques des enfants obèses (Endo et coll. 1992).
LES ENFANTS, L'EXERCICE, LE SPORT ET L'APPARENCE
Les enfants peuvent faire du sport ou des exercices de conditionnement physique pour améliorer leur apparence et ainsi améliorer leur statut social. Au cours des dernières décennies, le nombre de programmes sportifs destinés aux enfants, et particulièrement aux filles, a beaucoup augmenté et il semblerait que les enfants font de l'exercice avec plus d'intensité pour améliorer leur performance. Dans certains sports, comme la gymnastique et le patinage artistique, il se peut que les enfants souhaitent non seulement perfectionner leur technique, mais aussi contrôler leur poids pour améliorer leur performance. Même si faire plus de sport et bien contrôler son poids sont des comportements généralement considérés comme bénéfiques pour les enfants, il faut quand même se préoccuper des comportements qui ne font pas l'objet d'une supervision adéquate.
Blessures sportives
Chez les enfants d'âge scolaire, les blessures non intentionnelles sont la principale cause de morbidité et de décès (Lenaway et coll., 1992). La participation à des sports destinés aux jeunes est relativement sans danger, mais les blessures gagnent en prévalence selon l'âge, la taille et des aptitudes (Landry, 1992; Lenaway et coll., 1992). Si tous les organismes parrainant des activités sportives et récréatives présentant un risque de blessures régissaient les exigences relatives à l'équipement de protection, les blessures graves à la tête, au visage et à la bouche peuvent être minimisées.
Les blessures dues au surentraînement peuvent être causées par un abus d'exercice physique. Chez les enfants en pleine croissance, il faut surtout se préoccuper de l'effet éventuellement nuisible des séances répétées de course de fond sur les cartilages de conjugaison des os des jambes. Même si cet effet négatif n'a pas été scientifiquement démontré, Rowland (1990) est d'accord avec l'American Academy of Pediatrics qui recommande que les enfants évitent de participer à des compétitions de course de fond qui sont d'abord conçues pour les adultes. Toutefois, ce qui compte, c'est la distance totale parcourue lors de l'entraînement et non la distance parcourue le jour de la compétition.
le risque qu'ils subissent des blessures dues à la chaleur est plus élevé que chez les enfants postpubères et les adultes.En général, lors d'un exercice en milieu thermiquement neutre ou modéré, les enfants prépubères arrivent à réguler leur température corporelle, mais lors d'un exercice sous une chaude température, Les facteurs contribuant à ce risque plus élevé sont dus au fait que les enfants prépubères 1) consomment plus d'oxygène et produisentBlessures dues à la chaleur.¶ plus de chaleur lors d'un exercice sous-maximal standard; 2) transpirent moins lors d'un même exercice; 3) produisent moins de sueur par glande eccrine et 4) leurs glandes eccrines sont moins sensibles à un changement de température¶ interne (Bar-Or, 1988; 1989).
Les filles obèses ou anorexiques risquent tout particulièrement de contracter une maladie associée à la chaleur (Bar-Or, 1988).
De plus, étant donné que, pour contrôler leur température corporelle, les enfants prépubères dépendent fortement de l'augmentation de la circulation sanguine vers la surface de leur peau, une diminution de la circulation centrale due à une déshydratation peut nuire à leur capacité de faire un exercice d'endurance par temps chaud (Bar-Or, 1988). Par conséquent, il faut faire preuve de prudence lors de l'organisation d'activités pour les enfants par temps chaud et, pendant l'exercice, la réhydratation devrait être hautement prioritaire.
Blessures dues à l'exercice contre résistance
De plus en plus d'enfants et d'adolescents recourent aux exercices contre résistance (exercices de musculation à l'aide de poids) pour améliorer leur apparence, augmenter leur force pour mieux performer en sport ou pour aider à prévenir les blessures associées aux sports, même si peu de preuves directes montrent que des muscles plus forts réduisent la gravité et la fréquence des blessures (Rowland, 1990). D'autre part, des preuves convaincantes montrent qu'un entraînement aux poids inadéquat, comme soulever le maximum de poids, peut causer des blessures musculo-squelettiques graves, y compris une rupture des disques intervertébraux et des dommages aux cartilages de conjugaison (Risser, 1991; Rowland, 1990; Sale, 1989). Même si l'incidence de blessures dues à l'entraînement aux poids chez les enfants et les adolescents n'est pas bien documentée, plusieurs rapports indiquent que les blessures sont rares quand les programmes d'entraînement sont bien supervisés et que la technique a bien été expliquée. Une mauvaise technique est la principale cause de blessures quand il s'agit de lever un poids élevé (Risser, 1991), et les enfants devraient éviter de soulever des poids élevés et tenter de le faire trop brusquement (Sale, 1989).
Perte pondérale
Chez les adolescents, l'apparence physique est un important facteur déterminant du statut social. Il n'est donc pas surprenant qu'au secondaire, 70 % des filles et 30 % des garçons faisant partie d'un échantillon représentatif à l'échelle nationale essayaient de perdre du poids ou d'éviter d'en prendre (National Institutes of Health, 1992). Des enfants de plus en plus jeunes semblent se préoccuper de l'incidence de leur poids sur leur apparence. Dans une étude effectuée auprès d'élèves de quatrième année, environ 60 % des filles et 40 % des garçons souhaitaient être plus minces et avaient déjà modifié leur alimentation en vue de limiter le nombre de calories dans leur alimentation (Gustafson-Larson et Terry, 1992). Même les enfants d'âge préscolaire se préoccupent de leur taille (Chase et Dummer, 1992). Les programmes de contrôle du poids destinés aux enfants et aux jeunes athlètes peuvent être sans danger et efficaces, à condition qu'ils soient placés sous supervision médicale (Horswill, 1992). Les programmes non supervisés devraient être déconseillés (National Institutes of Health, 1992). Il est essentiel que les jeunes athlètes, dont la croissance et le développement subissent des changements importants, s'alimentent correctement. Mais, dans la pratique de certains sports, le désir d'avoir un poids sous la normale pour pouvoir participer à des compétitions dans une catégorie de poids inférieure peut entraîner de mauvaises habitudes alimentaires. Une recherche comparant de jeunes gymnastes féminines à différents âges laisse supposer qu'une mauvaise alimentation peut nuire à la croissance, mais il se pourrait que le poids inférieur à la normale de ces gymnastes reflète tout simplement une caractéristique héréditaire à laquelle elles doivent leur fine silhouette, ce qui en fait les candidates idéales pour les équipes et les clubs de gymnastique (Benardot et Czerwinski, 1991). De nombreuses études ont révélé des carences nutritives et des comportements pathologiques de contrôle du poids chez de jeunes athlètes pratiquant des sports à catégories de poids. Malheureusement, peu de données portent sur les effets à long terme des pratiques de ce genre sur la santé (Williams, 1992). D'autre part, de mauvaises habitudes alimentaires peuvent nuire à la capacité anaérobie et à d'autres aspects de la condition physique (Williams, 1992).
Il se peut que les filles très préoccupées par leur poids découvrent que l'abus de l'exercice physique ou qu'une restriction calorique ont des effets négatifs sur leur cycle menstruel. Même si aucune preuve empirique ne montre que l'entraînement physique retarde l'apparition des premières règles (Loucks, 1989), l'exercice et la restriction calorique sont d'importants facteurs étiologiques de l'aménorrhée secondaire chez les filles postpubères. Même si, chez les enfants, une augmentation de la masse osseuse (Slemenda et coll., 1991) est l'un des bienfaits de l'exercice, l'abus d'exercice entraînant une aménorrhée secondaire peut causer une déminéralisation osseuse (Loucks, 1989), avec des risques d'ostéoporose prématurée et de fractures osseuses.
Les adolescentes fort préoccupées par leur poids risquent aussi de souffrir d'anorexie mentale, un trouble psychologique caractérisé par l'autoprivation de nourriture et l'abus d'exercice. L'anorexie mentale a de graves conséquences médicales, dont l'arythmie cardiaque et la mort. Au cours des dernières années, le terme anorexia athletica, ou anorexie sportive, est employé dans le cas des athlètes qui ne présentent pas toutes les caractéristiques de l'anorexie mentale.
ENFANTS EN SANTÉ - ADULTES EN SANTÉ
Si cet article porte surtout sur les risques associés à l'exercice pour la santé les enfants, il faut se rappeler que les bienfaits potentiels de l'activité physique sur la santé sont nettement plus élevés que les risques. Trop ou trop peu d'exercice peut représenter un risque pour la santé, mais un nombre beaucoup plus important d'enfants qui font peu d'exercice pourrait bénéficier d'une augmentation de l'activité physique. Même si les parents, pédiatres et autres intervenants de leur milieu multiplient les occasions pour les enfants de faire de l'exercice physique, ce sont probablement les directeurs d'école qui ont le plus les moyens d'exercer une influence sur l'activité physique des enfants. Mettre en place le plan d'action proposé dans Healthy Kids for the Year 2000, de l'American Association of School Administrators (1992), pourrait leur permettre d'intégrer la pratique régulière d'une activité physique dans un programme pédagogique visant à l'adoption par tous les enfants de saines habitudes de vie. Les programmes pédagogiques des écoles qui favorisent l'activité physique et une saine alimentation, comme le programme Heart Smart Family Health Promotion (Arbeit et coll., 1992), se sont avérés efficaces pour réduire les facteurs de risque pour la santé.
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