SSE #56: Infections contagieuses et sports de compétition

E. Randy Eichner, M.D.

SPORTS SCIENCE EXCHANGE

INFECTIONS CONTAGIEUSES ET SPORTS DE COMPÉTITION

SSE n° 56, volume 8 (1995), numéro 3


E. Randy Eichner, M.D.
Professeur de médecine
Health Sciences Center de l'Université de l'Oklahoma
Oklahoma City, Oklahoma
Membre du comité de révision en médecine sportive de GSSI

POINTS PRINCIPAUX

1. L'exercice peut modifier les taux sanguins, les proportions et la fonction des globules blancs, surtout celles des cellules tueuses naturelles. En général, ces changements sont modérés et de courte durée, mais ils pourraient avoir une importance clinique.

2. Que l'exercice favorise ou compromette le système immunitaire ou qu'il augmente les risques de contracter une infection des voies respiratoires supérieures (IVRS), ou autres, fait toujours l'objet de débats, mais ces phénomènes peuvent dépendre du niveau de stress en jeu.

3. De nos jours, le risque de contracter le VIH en pratiquant des sports de compétition est quasi inexistant même si, en principe, le risque est bien présent en ce qui concerne la lutte et les autres sports de contact.

4. Pour les athlètes, la prévention des infections repose sur le bon sens, une bonne hygiène, une immunisation prudente, un entraînement judicieux et des précautions « élémentaires ».

5. Un moyen pratique pour l'athlète atteint d'une IVRS qui cherche à savoir quel type d'exercice il peut faire reste le « critère du cou » : les symptômes ressentis au-dessous du cou devraient exclure un exercice exténuant, tandis que les symptômes au-dessus du cou peuvent être moins graves.

INTRODUCTION

De nombreux athlètes pensent que l'entraînement physique renforce le système immunitaire et aide à prévenir les infections des voies respiratoires supérieures (IVRS), comme le rhume ou la grippe (influenza). Ils croient aussi que l'activité et la forme physiques les aident à combattre toute infection mineure qu'ils pourraient contracter. D'un autre côté, à la lumière des données empiriques et en tenant compte de l'idée généralement reconnue qu'il y a un lien entre stress physique ou psychologique et « affaiblissement du système immunitaire », une grande partie des sportifs semble persuadée qu'un entraînement intense, un exercice épuisant ou une compétition prédisposent les athlètes aux infections.

Les athlètes, entraîneurs et soigneurs qui s'en préoccupent se demandent souvent : 1) Est-ce que l'exercice renforce vraiment le système immunitaire? 2) Que peuvent faire les athlètes pour éviter les IVRS lorsqu'ils sont au meilleur de leur forme ou en compétition? 3) Les sports d'équipe présentent-ils des risques d'infection particuliers? 4) Les athlètes devraient-ils recevoir le vaccin contre la grippe, contre l'hépatite B ou d'autres vaccins? 5) Si un athlète contracte une IVRS, existent-ils des directives en matière d'entraînement ou de compétition? 6) Quel est le risque de transmettre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) en pratiquant un sport de compétition?

Le nombre de recherches appliquées et épidémiologiques sur l'exercice, le stress, l'immunité et l'IVRS a considérablement augmenté, comme le mentionne un article antérieur de Sports Science Exchange de Gatorade (Nieman, 1992). Certaines tendances se dessinent clairement, mais leur importance clinique n'a pas été établie. Cet article présente 1) les derniers changements immunologiques établis chez les sportifs, 2) une vue d'ensemble des études épidémiologiques relatives aux IVRS chez les athlètes et les non-sportifs, 3) les aspects cliniques pratiques des infections chez les athlètes et 4) les préoccupations actuelles en matière de VIH dans le monde des sports.

CHANGEMENTS IMMUNOLOGIQUES CHEZ LES SPORTIFS

L'exercice peut modifier les taux sanguins, les proportions et la fonction des globules blancs, particulièrement celles des leucocytes polymorphonucléaires (LPM), les cellules tueuses naturelles (cellules NK) et les lymphocytes ainsi que les immunoglobulines et autres facteurs immunitaires.

Hausses et baisses des LPM et des lymphocytes.

Un exercice vigoureux qui dure de quelques minutes à des heures provoque une leucocytose (Eichner, 1993; Gabriel et coll., 1992; Nieman, 1992), principalement des LPM et des lymphocytes. Moins l'athlète est en forme et plus l'exercice est intense, plus le degré de leucocytose augmente.

La leucocytose précoce de l'exercice est le résultat de l'action mécanique de l'augmentation du débit cardiaque et de l'effet physiologique de l'adrénaline. Ces deux forces déplacent les LPM le long des parois des vaisseaux sanguins vers le sang circulant et les libèrent des réservoirs des poumons, de la rate et du foie. Les mêmes forces sont responsables de la lymphocytose de l'exercice; injecter de l'adrénaline dans l'organisme entraîne une granulocytose et une lymphocytose (Eichner, 1993; Kappel et coll., 1991). Il se pourrait aussi qu'un exercice intense active les LPM (Smith et coll., 1990).

Si l'exercice est vigoureux et pliométrique (p. ex. courir en descente pendant 30 minutes ou plus), il se peut qu'il y ait une seconde hausse de LPM au cours des deux à quatre heures qui suivent. Cette leucocytose « reportée » est principalement due au cortisol qui stimule la libération des LPM de la moelle osseuse et ralentit leur déplacement du sang vers les tissus. La « réponse en phase aiguë » peut aussi jouer un rôle, étant donné que les monocytes du sang qui pénètrent dans les muscles endommagés libèrent des interleukines (Weight et coll., 1991).

Après un exercice facile et de courte durée, le nombre de LPM redevient rapidement normal, mais après un long exercice difficile, ce retour à la normale peut prendre 24 heures. Toutefois, la lymphocytose s'estompe toujours rapidement après un exercice. Après une récupération de seulement cinq minutes, le nombre de lymphocytes baisse. Au cours des deux heures qui suivent, ce nombre tombe souvent sous le niveau de référence au repos. Généralement, après six heures de récupération, et presque toujours après 24 heures, le nombre de lymphocytes redevient normal (Gabriel et coll., 1992; Neiman, 1992).

Au début d'une récupération, il est probable que le nombre de lymphocytes diminue pour la même raison que le nombre de LPM augmente l'action non compensée du cortisol. L'action de l'adrénaline, qui achemine les lymphocytes vers le sang, cesse à la fin de l'exercice, ce qui permet à l'action plus prolongée du cortisol de réacheminer les lymphocytes du sang vers les organes lymphatiques (Eichner, 1993).

Fonctions des lymphocytes et des cellules NK.

La lymphocytose liée à l'exercice touche principalement des cellules NK (et, dans une moindre mesure, des lymphocytes T suppresseurs) qui représentent la première ligne de défense contre certains virus (Nieman, 1992). L'exercice peut aussi fortement activer les cellules NK, ce qui est probablement dû en à l'adrénaline (Kappel et coll., 1991; Shinkai et coll., 1992). Ces changements varient selon l'intensité de l'exercice (Nieman et coll., 1993a; Nieman et coll., 1994).

Si le système immunitaire est renforcé pendant l'exercice, il est brièvement affaibli par la suite. Au début de la récupération, la lymphocytopénie déjà mentionnée s'accompagne d'un affaiblissement de la fonction lymphocytaire (mitogenèse). Il difficile de savoir avec certitude si la mitogenèse atténuée est bien réelle (peut-être induite par le cortisol ou les prostaglandines libérées par les monocytes) ou si elle est un artéfact de l'enrichissement relatif des échantillons de sang par les cellules NK qui ne subissent pas de mitogenèse (Nieman, 1992; Nieman et coll., 1994).

De même, il n'est pas certain que l'entraînement physique améliore la fonction de base des cellules NK. Lors d'une étude contrôlée à répartition aléatoire sur l'entraînement (marche rapide) menée auprès de jeunes femmes, l'activité de base des cellules NK a augmenté après 6 semaines, mais pas après 15 semaines (Nieman et coll., 1990). Dans une étude de suivi effectuée auprès de femmes âgées, l'entraînement n'a pas amélioré la fonction de base des cellules NK (Nieman et coll., 1993b). Certaines études transversales laissent entendre que chez des athlètes, notamment chez les athlètes féminines d'âge mur et très entraînées ou chez les coureurs masculins de marathon, la fonction de base des cellules NK est plus élevée que celle des groupes témoins sédentaires (Nieman et coll., 1993b, 1995).

Immunoglobulines et autres facteurs immunitaires. Les changements relatifs aux immunoglobulines sériques induits par l'exercice sont mineurs et ne semblent avoir aucune importance d'un point de vue clinique (Nieman, 1992). La concentration d'immunoglobulines A (igA) dans la salive est faible chez les skieurs au repos et diminue encore davantage après une compétition de ski. Des diminutions similaires peuvent se produire après une séance intensive de cyclisme, de natation ou d'aviron ainsi que chez les joueurs de squash ou de hockey; les concentrations reviennent généralement à la normale après 24 heures. L'hypothèse selon laquelle ces légers changements de courte durée nuiraient à la défense des muqueuses contre l'IVRS n'a pas encore été démontrée (Mackinnon et coll., 1993).

Un exercice exigeant ou prolongé peut activer les compléments et stimuler la libération des facteurs de nécrose des tumeurs, des interférons et des interleukines, mais il n'est pas évident que ces phénomènes modifient le système immunitaire.

ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET D'OBSERVATION

Certaines études épidémiologiques laissent entendre que, contrairement aux autres, les athlètes qui s'entraînent vigoureusement risquent de contracter une IVRS. La plupart des études sont toutefois limitées, car la déclaration des IVRS est laissée à la discrétion des athlètes. Selon les réponses aux questionnaires, les IVRS ne sont pas confirmées, mais seulement présumées.

Par exemple, les athlètes qui couraient de longues distances en prévision d'un marathon présentaient deux fois plus de risques d'IVRS que ceux qui couraient de plus courtes distances et, dans la semaine qui a suivi le marathon, ceux qui ont franchi la ligne d'arrivée étaient six fois plus à risque que ceux qui, à la dernière minute, n'avaient pas participé au marathon. Pourtant, après avoir interrogé les demi-marathoniens, les mêmes chercheurs ont observé des tendances inverses (Nieman, 1992).

Les demi-marathoniens se sont-ils entraînés juste assez pour renforcer leur système immunitaire et résister aux IVRS? Les marathoniens se sont-ils trop poussés, affaiblissant leur système immunitaire et s'exposant ainsi aux IVRS? D'un autre côté, puisque certains symptômes n'étaient pas associés à une IVRS mais plutôt à une allergie, au surentraînement ou à la fatigue, ces deux études permettent-elles de tirer des conclusions claires? Est-il valable de mettre sur le même pied IVRS et « rhumes, grippes ou maux de gorge » déclarés de façon volontaire?

D'autres études épidémiologiques et d'observation ne donnent pas de résultats probants non plus. En voici quatre exemples : 1) Dans le cadre d'études épidémiologiques, des coureurs d'orientation danois de classe élite, mais pas des skieurs suédois élites, ont eu davantage d'IVRS que les sujets du groupe témoin. 2) Dans les deux semaines qui ont suivi un marathon de 56 km, les coureurs rapides, mais pas les coureurs lents, présentaient plus de risques de contracter une IVRS que les coureurs du groupe témoin. 3) Une étude de cohorte d'un an, menée auprès de 530 coureurs, établit un lien entre une plus grande incidence d'IVRS et un nombre plus élevé de kilomètres parcourus; toutefois, tous les facteurs parasites n'ont pas fait l'objet d'un ajustement et des données relatives aux groupes témoins sont manquantes (Eichner, 1993). 4) Une étude contrôlée à répartition aléatoire portant sur l'entraînement a montré que le nombre de jours pendant lesquels les sportifs (marcheurs) ont présenté des symptômes d'IVRS était peu inférieur à celui du groupe des non-sportifs, le nombre d'infections des deux groupes étant par ailleurs semblables (Nieman, 1992).

Le stress psychologique peut aussi entrer en ligne de compte. Chez les étudiants universitaires, l'action des cellules NK est inversement proportionnelle au stress psychologique. Chez les étudiants en médecine ou en médecine dentaire, la fonction des cellules NK et le taux d'immunoglobulines dans la salive diminuent à l'approche des examens de fins d'année. Une diminution de la fonction des cellules NK est aussi observée après un divorce, pendant une dépression et même après avoir perdu quelques heures de sommeil (Eichner, 1993; Nieman, 1992).

Si un stress physique peut provoquer une IVRS, un stress psychologique le peut tout autant. Une étude épidémiologique prospective effectuée en Australie a montré que les personnes les plus stressées psychologiquement ont contracté le plus d'IVRS. Quand 394 volontaires en santé ont reçu des gouttes nasales contenant des virus des voies respiratoires, le risque de contracter une IVRS confirmée a augmenté proportionnellement au niveau de stress psychologique (Cohen et coll., 1991).

À l'inverse, éliminer le stress peut renforcer le système immunitaire. La recherche laisse entendre que des techniques de relaxation peuvent augmenter le taux d'immunoglobulines dans la salive et qu'écrire sur des traumatismes personnels peut renforcer la mitogenèse des lymphocytes et améliorer la santé (Eichner, 1993).

Bref, il n'est pas clair que la plupart des athlètes ou des personnes actives risquent plus ou moins de contracter une IVRS que les non-athlètes ou les personnes sédentaires. Cependant, des articles récents et faisant autorité s'accordent pour dire que les athlètes de haut niveau contractent davantage d'IVRS que la population en général et, qu'étant donné leurs stress physique et psychologique, ils semblent être plus vulnérables aux IVRS à l'approche de la compétition (Brenner et coll., 1994; Nieman, 1992).

ASPECTS CLINIQUES ET CONSÉQUENCES PRATIQUES

Un récent article d'une revue médicale (publié en 1966) rapporte 38 cas d'infection dus aux sports de compétition, soit 24 éclosions ou transmission de personne à personne, 9 transmissions de source commune et 5 transmissions aéroportées. Il fait également mention de 28 articles de journaux portant sur des cas d'infection, des expositions à des infections ou des problèmes relatifs à la vaccination. Les agents infectieux étaient principalement des virus, mais aussi des champignons et des bactéries Gram positif et Gram négatif (Goodman et coll., 1994).

Sur les 24 cas de transmission de personne à personne, il s'agissait le plus souvent d'infections par le virus herpès simplex chez les lutteurs (herpès gladiatorum) ou chez les joueurs de rugby ou d'autres infections de la peau (fongiques ou bactériennes) chez les lutteurs, les joueurs de football ou de rugby. Sur les 9 éclosions de source commune, 8 étaient des maladies entérovirales, soit une méningite aseptique ou une pleurodynie (douleur soudaine à la poitrine ou à l'abdomen généralement accompagnée de fièvre) chez des joueurs de football. Dans le cas des 5 transmissions aéroportées, il s'agissait de la rougeole. Les 28 articles de journaux portaient surtout sur des maladies comparables à la grippe ou sur des épidémies virales (rougeole, oreillons, varicelle) chez des joueurs de football et de basketball. Vous trouverez plus loin les mesures à prendre pour prévenir ce type d'infections.

Une éruption d'herpès gladiatorum chez 60 (35 %) des 175 jeunes lutteurs participant à un camp d'entraînement à Minneapolis suggère qu'il faut trouver des moyens pour prévenir ce genre d'infection à l'avenir. En plus d'une éruption cutanée vésiculeuse, certains lutteurs ont aussi eu de la fièvre, des frissons, mal à la gorge ou à la tête ou des ganglions lymphatiques enflés. Certains d'entre eux ont eu droit de participer aux épreuves malgré l'éruption cutanée. La transmission s'est surtout effectuée par contact cutané, probablement par les abrasions cutanées causées par les tapis. Il est très peu probable que la transmission se soit effectuée par le savon, la salive ou des bouteilles d'eau partagées (Belongia et coll., 1991).

Toutefois, ces dernières peuvent causer des problèmes d'infection chez les athlètes. En 1991, en Ohio, trois jeunes coéquipiers de football, leur entraîneur et un responsable des étudiants ont tous développé une méningite virale la même semaine. Le service de santé a donc mis en place une campagne de sensibilisation visant à promouvoir le lavage des mains et à dissuader les joueurs de partager les seaux à glace et récipients à boire (Eichner, 1993).

Une éruption entérovirale similaire, une pleurodynie, est survenue la même année chez des joueurs de football de niveau secondaire au nord-ouest de l'État de New York. Voici les comportements liés à la maladie : 1) manger des glaçons et 2) boire de l'eau de la glacière de l'équipe.

Les mesures à prendre pour empêcher des d'éventuelles éclosions comprennent : 1) expliquer aux étudiants et aux entraîneurs comment se transmettent les entérovirus; 2) dissuader le contact oral direct avec des récipients de boisson partagés; 3) utiliser des blocs réfrigérants plutôt que les glaçons de la glacière de l'équipe pour traiter des blessures et 4) utiliser des verres jetables ou des contenants individuels pour les boissons (Ikeda et coll., 1993).

La rougeole est un risque associé aux sports d'intérieur. Des éclosions aéroportées se sont produites chez des gymnastes, des lutteurs et des joueurs (et des spectateurs) de basketball lors d'épreuves tenus dans des gymnases ou arénas humides faisant salle comble, le lieu idéal pour la transmission de virus des voies respiratoires. Il se peut que les équipes sportives se transmettent aussi la rougeole lorsqu'elles se déplacent sur la route. Au printemps de 1991, lors d'un tournoi de lutte de niveau collégial, la rougeole s'est propagée dans tout l'État du Maryland, affligeant 126 personnes. Il faudrait peut-être vacciner contre la rougeole les jeunes athlètes et de façon systématique. Certains experts conseillent aussi aux joueurs d'équipe de recevoir le vaccin contre la grippe et aux athlètes des sports de contact ou même à tous les adolescents et aux jeunes adultes de recevoir le vaccin contre l'hépatite B (Mast et coll., 1995; Mellman, 1994).

LE RISQUE DE TRANSMISSION DU VIH

Les préoccupations relatives au VIH dans le monde des sports découlent de l'association entre aspect mystique du sang et peur primale de la contagion. De nos jours, le risque est quasi inexistant, mais le VIH fait toujours l'objet de vives préoccupations. Les deux questions courantes sont : quel est le risque de transmettre le VIH par les sports? et 2) les athlètes devraient-ils tous subir un test de dépistage du VIH?

La recherche est rassurante. Le risque de contracter le VIH par la sueur est inexistant, étant donné que le VIH ne peut s'y développer. Par contre, il peut survivre dans les larmes et la salive, mais aucun cas de transmission par ces voies (Calabrese et coll., 1993) n'est connu.

Dans le monde des sports, la transmission potentielle du VIH passe donc par le sang. Un seul cas a été signalé et il a été largement discrédité. Des joueurs de soccer italiens ont heurté leurs têtes et ils ont subi des coupures au niveau des sourcils en plus de saigner abondamment. L'un d'eux était séropositif; l'autre, qui était séronégatif un an plus tôt, a été déclaré séropositif deux mois après le match. Le typage des deux virus n'a pas été effectué et il n'est donc pas possible de savoir de quel type de virus il s'agit. Les experts rejettent ce cas puisqu'ils ne disposent d'aucune preuve en ce qui le concerne (Mast et coll., 1995).

Au football professionnel, il y a presque quatre blessures avec saignement par match; pourtant, les chercheurs estiment que le risque de transmission du VIH au cours d'un match de la NFL est inférieur à un sur un million (Brown et coll., 1995). Par comparaison, dans d'autres sports de contact (boxe, lutte, hockey), deux cas de transmission du VIH ont été signalés après des bagarres avec effusion de sang, pour chaque sport, et par contact sanguin entre membres d'une même famille (Mast et coll., 1995). Chez les culturistes, il y a aussi eu des cas de transmission du VIH par le partage d'aiguilles servant à injecter des stéroïdes anabolisants (Scott et Scott, 1989).

Il peut également être utile de faire d'autres comparaisons avec la transmission de l'hépatite B et d'autres cas de transmission dans le système de soins de santé. Après contact avec une aiguille contaminée, l'hépatite B est transmise dans 6 à 30 % des cas, tandis que le VIH n'est transmis que dans 0,3 % des cas. Autrement dit, par le sang, il est 100 fois plus facile de contracter le virus de l'hépatite B (VHB) que le VIH. Pourtant, dans le monde du sport, il n'existe qu'un seul cas évident de transmission de l'hépatite B : 5 sur 10 jeunes lutteurs sumos japonais ont été infectés par un coéquipier qui a saigné sur eux pendant un match (Kashiwagi et coll., 1982). Aux États-Unis, aucun cas de transmission de l'hépatite B n'a été signalé dans le monde du sport.

Dans le système de soins de santé, ce qui est rassurant, c'est que parmi les 2 700 cas de personnes dont la peau saine été en contact avec le sang d'un porteur connu, il n'y a eu aucune transmission du VIH et seulement 4 cas de transmission ont été signalés lorsque de grandes quantités de sang ont atteint les yeux, la bouche ou la peau nue. Mais il s'agit là cas exceptionnels qui ne s'appliquent pas vraiment au monde du sport (Calabrese et coll., 1993).

Par analogie, donc, le risque de contracter le VIH en pratiquant la plupart des sports est quasi inexistant. Pourtant, la proposition de soumettre ou non les athlètes au test de dépistage du VIH fait l'objet de vives controverses. La plupart des experts se sont prononcés contre le dépistage (Mast et coll., 1995), d'autres sont en faveur pour ce qui est de la lutte; en boxe professionnelle, un certain dépistage se fait déjà (Calabrese et coll., 1993; Mitten, 1995).

Les politiques en matière de dépistage des différents membres de la NCAA varient considérablement, certaines étant excellentes, d'autres, étant ridicules. Sur les 860 membres consultés par sondage, 548 ont répondu. Résultats : 78 % des membres ne font pas le dépistage du VIH, 18 % le font sur une base volontaire ou sur demande et 4 % l'exigent. Douze membres ont découvert des athlètes séropositifs, dont la plupart ne participent plus aux compétitions. Quinze membres ont interdit à des athlètes séropositifs de faire du hockey ou de la lutte, 14 leur ont interdit de faire du football, 13, du basketball, 11, du baseball et 6, même du golf et du tennis (McGrew et coll., 1993).

En dehors du dépistage, les « précautions élémentaires » contre la transmission éventuelle du VIH chez les sportifs ont fait l'objet de nombreuses publications (Mast et coll., 1995). Voici les principales précautions à prendre : 1) Porter des gants pour toucher ou nettoyer des liquides organiques (si la substance est humide et n'est pas la vôtre, ne pas la toucher sans gants), 2) Pour les athlètes pratiquant des sports de contact, bien protéger ou recouvrir les blessures cutanées (égratignures, abrasions, lacérations) et les lésions cutanées potentiellement contagieuses (lésions vésiculaires ou qui suintent) pour prévenir l'écoulement de sang ou de sérum pendant un match, 3) Nettoyer immédiatement la peau à l'aide de savon et d'eau ou d'une lingette préhumidifiée, 4) Ne laisser un athlète blessé retourner sur le terrain seulement une fois que sa plaie est bien protégée ou recouverte, 5) Tout uniforme ou équipement taché de sang (bande adhésive, rembourrage) doit être changé aussitôt que possible (comme lors d'un arrêt de jeu pour d'autres raisons), 6) Désinfecter (et assécher) toutes les surfaces ou tout matériel taché de sang à l'aide d'un essuie-tout et d'une solution d'eau de Javel diluée à 1/100 (hypochlorite de sodium, 250 mL (1 tasse) dans 15 L (4 gallons) d'eau) fraîchement préparée tous les jours et 7) Après chaque séance d'entraînement ou match, laver tous les uniformes ou les gants tachés de sang en utilisant un cycle de lavage normal et un détergent ordinaire

CONCLUSION

De nos jours, le risque de contracter le VIH en pratiquant un sport est quasi inexistant même si, en théorie, le risque demeure dans le cas des sports de contact, comme la lutte ou la boxe. Que l'exercice prévienne ou favorise une IVRS dépend du facteur de plaisir ou de stress qui lui est associé.

Le bon sens et des « précautions élémentaires » peuvent aider à prévenir les infections chez les athlètes. Les vaccins devraient être administrés à plus grande échelle. L'hygiène devrait être enseignée et imposée. Les médecins des équipes devraient retirer du jeu tout athlète montrant des signes de maladie, présentant des symptômes ou présentant des éruptions cutanées. Les entraîneurs peuvent aider à prévenir le surentraînement qui peut prédisposer les athlètes à une IVRS et à d'autres infections, en : 1) établissant un équilibre entre entraînement et repos; 2) surveillant l'humeur, la fatigue, les symptômes et la performance; 3) réduisant la détresse psychologique de l'athlète; et 4) veillant à ce que les athlètes mangent le mieux possible (Eichner, 1995). Les athlètes devraient savoir comment se transmet le VIH et comment l'éviter hors du terrain : abstinence, monogamie et utilisation de condoms. Ils ne devraient jamais partager des aiguilles, un rasoir, des boucles d'oreille et même une brosse à dents.

Que dire aux athlètes qui font de l'exercice pendant qu'ils sont atteints d'une IVRS? D'abord, qu'une infection virale aiguë accompagnée de fièvre sape la force et l'endurance; l'entraînement d'un athlète malade sera donc nécessairement inférieur à ce qu'il pourrait être. Alors pourquoi s'entraîner?

Ensuite, il est difficile de savoir rapidement si les symptômes sont ceux d'une IVRS due à un rhinovirus et qu'ils ne présagent pas une Mycoplasma pneumoniae, par exemple, ou une infection par le virus Coxsackie, qui peut causer une myocardite ou provoquer une mort soudaine pendant un exercice. Pourquoi ne pas se reposer quand on se sent malade?

Finalement, et malheureusement, certains athlètes sont tellement déterminés qu'ils insistent pour s'entraîner malgré les conseils ci-dessus. Pour eux, il faut utiliser le « repère du cou » :

Si les symptômes se trouvent « au-dessus du cou » (congestion ou écoulement nasal, éternuement, yeux larmoyants, irritation de la gorge), il faut essayer de s'entraîner en réduisant l'intensité de moitié. Si l'état s'améliore après 10 minutes, l'athlète peut accélérer le rythme et poursuivre l'entraînement.

Mais il ne faut pas s'entraîner en cas de fièvre ou de symptômes « au-dessous du cou » ou dans tout le corps (muscles endoloris, quintes de toux, nausées, vomissements, diarrhée). Le repos permet un rétablissement plus rapide (Eichner, 1993).

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