Jay R. Hoffman
POINTS PRINCIPAUX
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La force, la puissance et la vitesse permettent de distinguer débutants et non-débutants, et les athlètes des différents niveaux de compétition.
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Pendant une partie de football, le développement de la force peut se maintenir à un rythme soutenu, mais la force et la puissance du joueur peuvent diminuer. À l’aide d’une récupération appropriée et d’un plan stratégique des remplacements de joueurs, il est possible de maintenir la force et la puissance du joueur à leur maximum pendant toute la partie.
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Une augmentation des marqueurs des lésions musculaires est souvent observée tout de suite après une partie, mais avec une faible perturbation de l’axe surrénalo-gonadique.
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Les paramètres des marqueurs des lésions musculaires sont élevés pendant le camp d’entraînement qui précède la saison, mais ils retrouvent leur taux initial au début de la saison et y restent jusqu’à la fin de la saison, ce qui signifie que les muscles se désensibilisent jusqu’à un certain point en cas de contact. C’est ce que désigne le terme « adaptation aux contacts ».
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L’adaptation aux contacts offre aux joueurs un mécanisme leur permettant de supporter les traumatismes physiques subis pendant une partie de football.
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Au niveau universitaire, la performance cesse graduellement de s’améliorer pendant les années d’études. Les améliorations apportées à la force physique se manifestent plus rapidement, tandis que celles qui sont apportées à la vitesse et à l’agilité mettent plus de temps à se concrétiser.
INTRODUCTION
Les exigences physiques associées au football ont été bien documentées au cours des 25 dernières années, ce qui montre bien l’importance de la force, de la puissance et de la vitesse à tous les niveaux de compétition (Berg et coll., 1990; Black et Roundy, 1994; Fry et Kraemer, 1991; Garstecki et coll., 2004; Kraemer et Gotshalk, 2000). Les études ont montré que la force, la puissance et la vitesse peuvent permettre de distinguer débutants et non-débutants, et les athlètes de différents niveaux de compétition (Berg et coll., 1990; Fry et Kraemer, 1991; Kraemer et Gotshalk, 2000). Ces données ont permis aux entraîneurs de savoir quel type d’athlète recruter et ont incité les scientifiques du sport à analyser différents paradigmes d’entraînement et leurs effets potentiels sur l’amélioration de la force, de la puissance et de la vitesse chez les joueurs de football (Hoffman et coll., 2004a; 2005a; 2009). Observation intéressante, au niveau universitaire, les améliorations apportées à la performance physique des joueurs de football semblent avoir lieu au début de leur carrière de joueur (Hoffman et coll., 2011; Miller et coll., 2002), et toute amélioration subséquente semble plus difficile à obtenir. D’où l’importance d’une sélection ou d’un recrutement appropriés, puisque la capacité des programmes d’entraînement à améliorer les capacités physiques d’un athlète peut être limitée.
DESCRIPTION ET EXIGENCES PHYSIOLOGIQUES ASSOCIÉES AU FOOTBALL
Les recherches en physiologie du sport et sur le football en particulier sont très limitées comparativement aux travaux qui portent sur le développement de la force, de la puissance ou de la vitesse. C’est probablement en raison de la distinction qui est faite entre sciences du sport et programmes sportifs de niveau universitaire aux États-Unis, et parce que la contribution que les sciences du sport peuvent apporter au football est mal comprise. Ainsi, il n’y a eu que de rares tentatives pour analyser le stress physiologique associé à une partie ou à une saison de compétition au football. Par conséquent, une grande partie de notre compréhension des exigences physiologiques du jeu repose sur une analyse empirique du sport.
Une partie de football se compose surtout d’exercices répétitifs, courts et d’une intensité maximale. La partie comporte quatre quarts de 12 à 15 minutes chacun, avec une mi-temps de 12 à 20 minutes, en fonction de la ligue et du niveau de compétition. Sur le terrain, il y a en même temps 11 joueurs par équipe. Les joueurs font partie de la ligne offensive ou de la ligne défensive, et il est rare qu’un joueur joue tant à l’offensive qu’à la défensive, surtout au niveau de compétition le plus élevé (universitaire ou professionnel). Certaines responsabilités se rapportent à chaque position de jeu et c’est ce qui détermine les exigences physiques du jeu pour chaque joueur. Il reste cependant que le type d’énergie le plus sollicité pendant une partie, et pour tous les joueurs, quelle que soit leur position sur le terrain, est l’énergie anaérobie (Hoffman, 2008; Kraemer et Gotshalk, 2000). Les recherches ayant analysé la réponse physiologique des joueurs pendant une partie de football sont limitées (p. ex., aucune étude n’a porté sur les modifications métaboliques ou cardiovasculaires pendant une partie). Mais, comme l’effort fourni par les joueurs doit équivaloir à 100 % de leur capacité à chaque partie, peu importe leur position sur le terrain et la courte durée de chaque jeu, leur principale source d’énergie repose essentiellement sur le phosphagène et le rendement énergétique de la glycolyse anaérobie. L’intensité et la durée nécessaire pour chaque jeu en particulier reposent sans aucun doute aussi sur le système aérobie, comme dans le cas de jeux courts suivis de brèves périodes de repos, mais aucune étude ne porte sur le sujet en ce qui concerne le football. Les exigences physiques associées aux positions peuvent cependant différer, les joueurs de ligne ayant plus de contacts avec les joueurs adverses que les joueurs spécialisés (comme les receveurs éloignés et les porteurs de ballon). À chaque jeu, les joueurs de ligne ont pour mission de bloquer l’adversaire, tandis que les joueurs spécialisés tentent plutôt d’éviter les contacts. Par contre, quand un joueur spécialisé entre en contact avec un adversaire, le choc de la collision peut être plus important que chez le joueur de ligne parce qu’elle s’effectue à une vitesse plus élevée. C’est ce que confirment Funk et ses collaborateurs (2012), qui ont rapporté que des joueurs de ligne avaient subi dans l’ensemble un nombre plus élevé de chocs à la tête et que, chez les joueurs spécialisés, la gravité des chocs à la tête était plus élevée et proportionnelle à la vitesse d’accélération au moment de la collision.
Il n’y a pas de restrictions quant au remplacement d’un joueur par un autre, de sorte que chacun peut être interchangé entre chaque jeu. Par conséquent, les entraîneurs peuvent envoyer sur le terrain les joueurs qui offrent les meilleures chances de gagner dans le cas d’un jeu en particulier. Par exemple, l’entraîneur de la ligne offensive peut décider qu’il veut davantage de passes du ballon et enverra donc sur le terrain un receveur de plus plutôt qu’un porteur de ballon. Pour contrebalancer, l’entraîneur de la ligne défensive peut remplacer un autre demi défensif par un joueur de ligne défensive ou un secondeur. En ce qui concerne les joueurs, la seule règle consiste à s’assurer que la ligne offensive regroupe au moins cinq joueurs de ligne offensive et qu’en tout sept joueurs sont sur la ligne de mêlée (où est placé le ballon). Les quatre autres joueurs peuvent se placer n’importe où à l’arrière de la ligne de mêlée, mais ils n’ont pas le droit d’être sur la ligne de mêlée. Les joueurs de ligne offensive n’ont pas le droit d’attraper le ballon ou de franchir la ligne de mêlée tant que le ballon ne l’a pas franchie lui-même. Les joueurs défensifs, quant à eux, peuvent se placer n’importe où sur le terrain.
Comme nous l’avons déjà dit, à tout moment, il y a 11 joueurs par équipe sur le terrain. L’équipe offensive se compose de cinq joueurs de ligne (deux plaqueurs, deux gardes et un centre). De façon générale, les joueurs de plus grande taille ont comme première responsabilité de protéger le quart-arrière quand il passe le ballon ou de bloquer pour protéger le porteur de ballon quand il court avec le ballon. De plus, l’équipe offensive comprend généralement un quart-arrière dont les responsabilités sont d’annoncer le jeu, de passer le ballon ou de courir avec le ballon; un ou deux porteurs de ballon dont les principales responsabilités sont de courir avec le ballon, de l’attraper et de bloquer l’adversaire; et trois à quatre receveurs dont la responsabilité est de recevoir les passes et de bloquer l’adversaire pendant les jeux au sol. L’un des receveurs peut être un ailier rapproché, qui se place près de l’un des plaqueurs (d’où le terme « rapproché ») et c’est généralement le receveur de plus grande taille qui a la responsabilité de bloquer l’adversaire plus que les autres receveurs. Les autres receveurs se placent généralement à l’écart des joueurs de ligne et sont appelés receveurs « éloignés ». La composition de l’équipe défensive varie seront les plans de l’entraîneur ou selon les remplacements qu’il a effectués au sein de l’équipe offensive.
En général, l’équipe défensive regroupe trois ou quatre joueurs de ligne défensive, trois ou quatre secondeurs et quatre ou cinq demis défensifs. La Figure 1 montre la formation de base d’une équipe, à l’offensive et à la défensive. Contrairement aux autres sports comme le basketball, le hockey et le soccer, une partie de football ne se déroule pas de façon continue. La partie est en effet constitué de suites de jeux. Si le jeu est réussi, ce qui correspond à un gain d’au moins 10 verges en quatre jeux, la série peut continuer. S’il ne l’est pas, les équipes passent de l’offensive à la défensive et de la défensive à l’offensive. Le but des joueurs de l’équipe défensive est d’empêcher l’équipe offensive de gagner 10 verges avec le ballon. Plus l’équipe défensive réussit à atteindre ses objectifs (ou arrêter l’offensive), plus rapidement ses joueurs peuvent quitter le terrain et en profiter pour se reposer et récupérer. Le but ultime de l’équipe offensive est de marquer un touché ou de faire un placement, ce qui peut arriver pendant un seul jeu ou après une longue série de jeux. Lors de l’analyse de l’une des saisons de football de la Division III de la National Collegiate Athletic Association (NCAA), une moyenne de 14,4 séries offensives par équipe et par partie, et une moyenne de 4,6 jeux par série ont été relevées (Hoffman, 2014), ce qui semble légèrement plus élevé que le nombre moyen de séries rapporté dans les parties de la National Football League (NFL) (Plisk et Gambetta, 1997). En moyenne, cependant, les équipes de la NFL font environ un jeu de plus par série que les équipes de football universitaires (entre 5,3 et 5,6 jeux par série). La durée de chaque jeu peut varier entre 1,9 et 12,9 secondes, la durée moyenne d’un jeu étant de 5,5 secondes au football universitaire (Kraemer et Gotshalk, 2000). À la NFL, la durée d’un jeu semble légèrement inférieure, avec une durée moyenne de 5,0 secondes selon les rapports (Plisk et Gambetta, 1997). Le temps entre les jeux dépend du moment où l’arbitre met le ballon en jeu et donne le coup de sifflet qui signale le début d’un jeu. Une fois le coup de sifflet donné, chaque équipe a de 25 secondes pour commencer le prochain jeu. La stratégie de certaines équipes peut toutefois consister à s’aligner rapidement et de s’emparer du ballon (ou commencer le jeu) après un minimum de repos de façon à épuiser l’adversaire ou à l’empêcher de remplacer les joueurs fatigués par des joueurs reposés. Par conséquent, la durée du repos entre chaque jeu peut varier de quelques secondes à 25 secondes. Selon des rapports, la durée moyenne entre les jeux d’une partie de football universitaire est de 32,7 secondes (Kraemer et Gotshalk, 2000), tandis que la durée moyenne de la période de repos entre les jeux de la NFL varie entre 26,9 et 36,4 secondes (Plisk et Gambetta, 1997). Ces études ont toutefois été effectuées il y a déjà 15 à 17 ans et, compte tenu des changements relatifs aux stratégies de jeu, ces durées doivent être considérées comme des approximations. Déterminer la durée moyenne de chaque jeu et du temps de repos entre chacun permet de mieux comprendre des exigences physiologiques d’une partie. Ces données fournissent aussi d’importants renseignements pour la prescription d’exercices anaérobies.
RÉPONSE PHYSIOLOGIQUE AIGUË PENDANT UNE PARTIE DE FOOTBALL
En raison de problèmes logistiques évidents, les études analysant les modifications physiologiques des joueurs pendant de vraies parties de football sont très limitées. Hoffman et ses collaborateurs (2002) ont analysé les modifications physiologiques, hormonales et biochimiques des joueurs pendant une partie officielle de la Division III de la NCAA. Ils les ont comparées à celles de débutants (n = 11) et d’étudiants de première année ou « red-shirts » (n = 10; étudiants obtenant une année d’éligibilité de plus et qui ne jouent pas de parties). La puissance et la force maximales ont été calculées en leur faisant faire un saut vertical à partir d’une plate-forme de force installée sur la ligne de touche de l’équipe. Les évaluations ont été effectuées 10 minutes avant le coup d’envoi et à la fin des premier, deuxième, troisième et quatrième quarts. De plus, des échantillons de sang ont été prélevés 24 heures et 2,5 heures avant le début de la partie et dans les 15 minutes suivant la partie. Les résultats n’ont pas révélé de changement significatif dans la vitesse maximale de développement de la force pendant la partie. Des diminutions significatives ont toutefois été observées tant dans la force maximale que dans la puissance maximale à la fin du premier quart. Ces variations de performance ont continué à décliner pendant le second quart. Cependant, à la fin de la partie, la performance était revenue aux valeurs de départ, tant pour la force que pour la puissance, ce qui était probablement lié à la récupération des joueurs ayant été remplacés vers la fin de la partie (la partie qui a fait l’objet de l’analyse a tourné à la déroute à la deuxième mi-temps, ce qui a permis à l’entraîneur de faire des remplacements en toute liberté). Si la partie avait été plus serrée, les résultats auraient sans doute été différents.
L’analyse hormonale n’a pas révélé de modifications significatives dans les taux de testostérone avant et après la partie, ni de différences entre les débutants et les red-shirts. Une hausse significative des taux plasmatiques de cortisol a toutefois été observée chez les débutants, et cette hausse était nettement plus élevée que chez les red-shirts. De plus, les taux plasmatiques de myoglobine, un marqueur de lésions musculaires, affichaient une augmentation significative à la fin de la partie et étaient significativement plus élevés chez les débutants que chez red-shirts. Par ailleurs, aucun changement n’a été observé dans les taux de créatine kinase, un autre marqueur de lésions musculaires. Les différences entre les réponses de la myoglobine et de la créatine kinase sont probablement liées au moment du prélèvement sanguin. La myoglobine est une molécule plus fine que la créatine kinase et elle s’échappe des tissus endommagés plus rapidement que cette dernière. Le taux de myoglobine atteint généralement un pic peu après l’exercice, tandis que la créatine kinase est généralement à son maximum 24 à 48 heures après un exercice intense. Par conséquent, effectuer un prélèvement sanguin après une partie ne donne pas suffisamment de temps pour pouvoir observer une hausse du taux de créatine kinase. Les résultats de cette étude donnent à penser que la vitesse de développement de la force se maintient au cours d’une partie; ainsi, en gérant de façon stratégique les remplacements de joueurs, il est possible de maintenir encore mieux la force et la puissance des joueurs. De plus, les réponses hormonales et biochimiques à la partie ont bien indiqué une certaine hausse du taux des marqueurs des lésions et du stress musculaires.
Kraemer et ses collaborateurs (2009) ont analysé la réponse biochimique et endocrinienne aiguë de joueurs de football de la Division I de la NCAA le jour précédant une partie, 18 à 20 heures après la partie (ou le lendemain de la partie) et 42 à 44 h après la partie (ou 2 jours après la partie). Les données de 16 joueurs ayant joué toute la partie ont été comparées celles de 12 joueurs n’ayant pas joué. Des échantillons de sang ont été prélevés afin de connaître leurs taux de créatine kinase, de lacticodéshydrogénase, de myoglobine, de testostérone et de cortisol. Chez les joueurs ayant participé à la partie, les taux de tous les marqueurs de lésions musculaires (créatine kinase, myoglobine et lacticodéshydrogénase) avaient augmenté de façon significative. Mais aucun changement n’a été observé dans les taux de testostérone et de cortisol, et aucune différence n’a été observée entre les joueurs ayant participé à la partie et ceux qui n’avaient pas joué. Ces résultats viennent confirmer les travaux antérieurs de Hoffman et ses collaborateurs (2002), selon lesquels une partie de football peut entraîner une hausse des marqueurs de lésions musculaires; toutefois, ces lésions ne s’accompagnent que d’une faible perturbation de l’axe surrénalo-gonadique.
EXIGENCES PHYSIOLOGIQUES D’UNE LA SAISON DE COMPÉTITION AU FOOTBALL
Avant le début de la saison de compétition, les joueurs se présentent au camp d’entraînement pré-saison qui peut durer, selon le niveau de compétition, de 3 à 6 semaines. L’entraînement pré-saison est généralement associé à des séances d’entraînement à intensité élevée (parfois deux par jour) avec peu de temps de récupération. Les joueurs se présentent généralement en excellente condition physique et, si la force et le conditionnement physique font partie du camp d’entraînement, il reste que l’entraînement pré-saison vise surtout à décider des schémas offensifs et défensifs et à permettre à l’entraîneur de voir les joueurs s’affronter pour obtenir une position de jeu. De récents changements dans les règles de la NCAA exigent de ses équipes qu’elles limitent le nombre des entraînements de deux séances par jour pendant les séances d’entraînement à intensité élevée de l’été en raison du risque potentiel de malaise causé par la chaleur. Ces nouvelles règles exigent aussi que les joueurs portent davantage leur équipement (auparavant, pendant l’entraînement, seul le casque était exigé; dorénavant, les joueurs doivent porter tout leur équipement) et que le nombre de séances d’entraînement par jour soit réduit. Il semble que ces mesures aient permis aux joueurs d’avoir suffisamment de temps pour s’acclimater à la chaleur pendant le camp d’entraînement estival et pour améliorer leur tolérance à la chaleur (Yeargin et coll., 2006).
Le stress physiologique associé à l’entraînement pré-saison n’a fait l’objet que d’un nombre limité d’études. Une étude publiée avant les changements apportés à l’entraînement de pré-saison a porté sur la performance et les modifications endocriniennes et biochimiques observées pendant un camp d’entraînement de 10 jours comportant 20 séances chez les joueurs de football de la Division II de la NCAA (Hoffman et coll., 2004b). Cette étude n’a pas révélé de baisse significative de la force ou de la puissance. Toutefois, la nature physique du sport qu’est le football était clairement apparente, comme en témoigne une hausse significative du taux de créatine kinase à la fin du camp d’entraînement de 10 jours. Une analyse hormonale n’a pas révélé de modifications dans les taux de testostérone pendant le camp d’entraînement et, quoique le taux de cortisol était élevé au départ, augmentant ainsi sa valeur dans le rapport testostérone-cortisol, il est revenu à la normale par la suite. La valeur de départ élevée du cortisol exprime sans doute l’anxiété ressentie par les joueurs au début du camp d’entraînement. Malgré une hausse des marqueurs de lésions musculaires, l’absence de modifications dans les taux de testostérone et de cortisol donne à penser que les athlètes en très bonne condition physique sont capables de supporter le stress associé à 10 jours d’entraînement à deux séances par jour.
Une étude récente a analysé les exigences physiques pour les joueurs de football universitaire de la Division I de la NCAA pendant le camp d’entraînement estival (DeMartini et coll., 2011). La durée moyenne des séances d’entraînement quotidiennes était de 144 ± 13 minutes par séance. La distance totale couverte pendant chaque séance d'entraînement était significativement plus élevée chez les joueurs qui n’étaient pas des joueurs de ligne (porteurs de ballon, demis défensifs, secondeurs, ailiers rapprochés et receveurs) que chez les joueurs de ligne (plaqueurs, gardes, centres, plaqueurs défensifs et ailiers défensifs) (3,5 ± 0,9 km vs 2,6 ± 0,5 km, respectivement). De plus, les joueurs qui n’étaient pas des joueurs de ligne ont passé beaucoup plus de temps à jogger (6,1 à 12,0 km/h), courir (12,1 à 16,0 km/h) et faire des sprints (> 16 km/h) que les joueurs de ligne (5,1 ± 1,8 % vs 4,1 ± 1,0 %, 0,9 ± 0,0 % vs 0,4 ± 0,5 %, et 0,8 ± 0,4 % vs 0,1 ± 0,3 %, respectivement). Aucune différence n’a été observée d’une position à l’autre en ce qui concerne le temps passé debout ou à marcher (~92 à 94 % du temps). Lors de la comparaison entre joueurs débutants et non débutants, la seule différence significative observée portait sur le temps passé debout. Les non-débutants ont passé nettement plus de temps debout (78,1 ± 5,6 %) que les joueurs débutants (74,6 ± 5,1 %). Entre les joueurs qui n’étaient pas des joueurs de ligne et les joueurs de ligne, aucune différence significative n’a été observée en ce qui concerne la moyenne des fréquences cardiaques pendant les séances d’entraînement (135 ± 11 vs 136 ± 7 b/min, respectivement), mais la fréquence cardiaque maximale des joueurs qui n’étaient pas des joueurs de ligne a bel et bien atteint une valeur beaucoup plus élevée (203 ± 8 b/min) que celle des joueurs de ligne (197 ± 9 b/min).
D’autres études ont porté sur les modifications physiologiques observées chez les joueurs de football pendant toute la saison de compétition. Hoffman et ses collaborateurs (2005b) ont comparé les réponses biochimiques et hormonales de joueurs débutants et non débutants pendant une saison de football de la Division III de la NCAA. Ils ont observé une faible perturbation de l’axe surrénalo-gonadique (p. ex., pas de modifications significatives dans les taux de testostérone ou de cortisol, au repos, mises à part celles qui avaient été observées pendant le camp d’entraînement). De plus, tant chez les débutants que chez les non-débutants, les taux élevés de créatine kinase observés à la fin du camp d’entraînement sont revenus aux valeurs de départ, après le premier mois de la saison, et sont restés les mêmes pendant le reste de la saison. Une telle réponse suggère que le muscle squelettique se désensibilise jusqu’à un certain point aux fréquents traumatismes subis pendant la saison, ce qui a été appelé « l’adaptation aux contacts ». D’autres chercheurs (Kraemer et coll., 2013), qui ont obtenu des réponses similaires chez les joueurs de la Division I de la NCAA, en sont venus à la même conclusion. Chez les joueurs de football, l’adaptation aux contacts fait en théorie partie de l’adaptation physiologique à une saison de compétition, ce qui offre aux joueurs un mécanisme leur permettant de supporter les traumastismes physiques subis pendant une partie de football (Hoffman, 2008).
Les adaptations physiologiques dues aux séances d’entraînement et aux parties de football semblent améliorer la cinétique de l’oxygène musculaire et la récupération (Hoffman et coll., 2004c). Dans une étude menée auprès de joueurs de la Division III de la NCAA, les joueurs ont subi le test anaérobie de Wingate de 30 secondes pendant toute une saison. De plus, après l’entraînement, l’oxygénation musculaire a été mesurée par spectroscopie à rayonnement infrarouge proche. Les tests ont commencé au début du camp d’entraînement et ont été effectués toutes les 4 semaines jusqu’à la fin de la saison régulière. Les résultats ont révélé une baisse significative du taux de désoxygénation musculaire et un temps de réoxygénation nettement plus court. Cette adaptation semble s’être produite sans modifications importantes de la puissance maximale, de la puissance moyenne, du taux de fatigue et du travail total effectué pendant les tests mensuels.
Il semble aussi que les joueurs de football conservent leur force physique tant dans le haut que dans le bas du corps pendant la saison de compétition (Hoffman et Kang, 2003). Chez les joueurs de football universitaire, cette force semble se maintenir à l’aide d’un programme d’entraînement de 2 jours/semaine avec des charges égales à 80 % de la force maximale de l’athlète (1 RM) pour chaque principal exercice. Chose intéressante, quand l’intensité de l’entraînement dépasse 80 % de la 1 RM du joueur, la capacité d’améliorer la force est beaucoup plus élevée que quand l’intensité de l’entraînement est inférieure à 80 %, surtout chez les joueurs de première année (Hoffman et Kang, 2003). Il est possible que la fatigue accumulée chez les joueurs qui jouent pendant plus longtemps limite le degré d’adaptation musculaire pendant une saison.
CHANGEMENTS DANS LA PERFORMANCE PHYSIQUE DU JOUEUR DE FOOTBALL AU COURS DE LA CARRIÈRE
L’importance de la force, de la puissance et de la vitesse pour réussir sa carrière au football a été bien démontrée (Berg et coll., 1990; Black et Roundy, 1994; Fry et Kraemer, 1991; Kraemer et Gotshalk, 2000). Le comprendre a favorisé l’évolution de la profession d’entraîneur de force et les programmes d’entraînement de force et de conditionnement physique à tous les niveaux de football (Hoffman, 2008). Une analyse des modifications physiques observées chez les joueurs de football entre 1987 et 2000 révèle une augmentation significative de la force, de la puissance et de la vitesse des joueurs au cours de ces années (Secora et coll., 2004). Une meilleure sensibilisation à l’importance des entraînements de force et de conditionnement physique, et l’embauche d’entraîneurs spécialisés afin de mettre l’accent sur de tels programmes en milieu scolaire semblent avoir augmenté le degré d’aptitude physique des joueurs, ce qui s’est traduit par des joueurs mieux préparés pour passer au niveau suivant.
Peu d’études ont porté sur les modifications physiques et les changements dans la performance des joueurs de football en milieu scolaire. Une étude récente a révélé une certaine maturation chez les joueurs de football de niveau secondaire, les plus grands changements de performance se produisant entre la 10e et la 11e année (Dupler et coll., 2010), une observation qui prévaut tant pour les joueurs offensifs que pour les joueurs défensifs. Tenir compte de la maturation des athlètes dans la composition des équipes (p. ex. équipe universitaire vs équipe junior) peut fournir un moyen de ne pas pousser ou presser les athlètes avant qu’ils ne soient physiquement prêts à passer au prochain niveau de compétition.
Les études analysant les changements dans la performance des joueurs de football universitaires sont, elles aussi, peu nombreuses. Une étude récente menée auprès de joueurs de football de la Division III de la NCA a montré que ces joueurs gagnent en force et en puissance pendant toute leur carrière de joueur (Hoffman et coll., 2011). Les gains en matière de force étaient comparables entre les joueurs de ligne et les autres joueurs. Pendant la carrière des joueurs universitaires, les améliorations dans la force 1 RM lors du développé-couché (31 %) et de la flexion des jambes (36 %) étaient comparables à celles des joueurs de football de la Division I de la NCAA (Miller et coll., 2002). Cependant, les gains de force les plus importants se sont produits entre la première et la deuxième (7,9 % et 9,1 % d’augmentation de la force dans les développés-couchés et les flexions des jambes, respectivement) et entre la deuxième et la troisième (6,7 % et 8,8 % d’augmentation de la force dans les développés-couchés et les flexions des jambes, respectivement) année de compétition. Le taux d’augmentation de la force a baissé entre la troisième et la quatrième année de compétition (3,1 % de la 1 RM lors du développé-couché et 3,2 % de la 1-RM lors de la flexion des jambes). Le schéma de réponse était similaire à celui d’autres études selon lesquelles, chez les joueurs de football de Division I, la grande partie des gains de force s’est produite pendant les 2 premières années de compétition (Miller et coll., 2002).
Les améliorations de la vitesse, de l’agilité et de la hauteur d’un saut vertical semblent moins importantes et, s’il y avait amélioration, cette dernière avait généralement lieu plus tard au cours de la carrière du joueur (Hoffman et coll., 2011). Dans le cadre d’une étude menée auprès de 289 joueurs de football universitaire de la Division III de la NCAA qui ont joué pendant une période de 8 ans, les chercheurs ayant analysé la performance des joueurs (selon les paramètres suivants : agilité, composition du corps, puissance, vitesse et force) ont rapporté que la puissance d’un saut vertical est beaucoup plus élevée en 2e année qu’en première année de compétition, et beaucoup plus plus élevée en 4e année que pendant toutes les saisons précédentes. Cette amélioration semble liée à une augmentation de la masse corporelle et de la hauteur du saut vertical. Ce n’est que lors de la quatrième année de compétition que la hauteur du saut vertical a augmenté de façon significative par rapport à la première année. Ces résultats correspondent à ceux d’autres études longitudinales ayant porté sur les joueurs de football universitaire (Miller et coll., 2002). Il est probable que ces variations en matière de performance dépendent de facteurs génétiques influent sur le potentiel athlétique de tout athlète.
CONSIDÉRATIONS PRATIQUES
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Mesurer la performance physique du joueur peut aider les entraîneurs à distinguer débutants et non-débutants.
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L’élaboration d’un schéma de remplacement approprié des joueurs peut améliorer la capacité des joueurs de football à conserver force et puissance pendant une partie.
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Les contacts pré-saison semblent fournir un certain degré de désensibilisation musculaire et peut aider un joueur à supporter les traumatismes physiques associés à la pratique du football.
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La force et la puissance peuvent se développer pendant la carrière d’un athlète, mais améliorer la vitesse et l’agilité peut être plus difficile.
RÉSUMÉ
Malgré la formidable croissance du football et une meilleure compréhension des programmes d’entraînement de force et de conditionnement physique pendant les 25 dernières années, notre compréhension des réponses physiologiques au jeu et des effets physiologiques d’une longue carrière de joueur est très limitée. Selon les études sur le sujet, les joueurs se désensibilisent graduellement aux contacts constants, et les réponses hormonales anaboliques et cataboliques semblent rester les mêmes pendant une saison de compétition.
RÉFÉRENCES
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